L'ELSÄSSISCHER ORGELREFORM
par Emmanuel FABRE
(organiste titulaire de l'orgue de l'église Saint-Pierre-le-Jeune-catholique
de Strasbourg)
Les idées de SCHWEITZER
Le Deutsche und französische Orgelbaukunst und Orgelkunst de SCHWEITZER constitue le premier programme structuré des revendications de l'Orgelreform. Écrit en 1905, il regroupe les réflexions les plus diverses que le jeune organiste a amassées au long de ses voyages.
L'essai de SCHWEITZER s'articule en cinq grands thèmes.
Le premier est une comparaison des techniques de crescendo, et donc des
consoles françaises et allemandes. Tandis que l'usage du ventilateur électrique
a mené l'orgue allemand vers la pneumatisation et les boutons-poussoirs, l'orgue
français est resté plus traditionnel, conservant des accessoires mécaniques
maniés par les pieds. La conception allemande a conduit à l'adoption de la Registerrad
(rouleau de crescendo), des combinaisons fixes et libres, en bref, de systèmes
remplaçant un agrégat de registres par un autre lors de tout changement dynamique.
Par là, l'organiste allemand, "éternel esclave" des combinaisons déterminées
par le facteur d'orgues, renonce "dans le crescendo à l'intérêt de l'individualité
de chaque clavier" et perd peu à peu la faculté de construire de lui-même une
registration originale. Par opposition, le système français, basé sur les accouplements
et les pédales de combinaisons, laisse à l'interprête toute latitude quant à
la conduite dynamique de son jeu. La première revendication de SCHWEITZER est
donc de "combiner les dispositions françaises et allemandes.
Le deuxième thème abordé concerne les modes de transmission. Tout en
reconnaissant les qualités de légèreté et les côtés pratiques du système tubulaire,
SCHWEITZER lui reproche "une précision sans vie". Il accorde à la traction mécanique
une supériorité incontestable, tout au moins pour les petits instruments.
Le problème des pressions constitue le troisième thème. Les ressources
inépuisables du ventilateur électrique, ainsi que la nécessité d'une pression
élevée pour les besoins du système pneumatique, ont conduit l'orgue allemand
"à confondre puissance sonore et richesse sonore". "Nous nous sommes réjouis
de l'orgue grondant et mugissant." SCHWEITZER fustige évidemment les jeux à
haute-pression, mais pas avec la même intransigeance que RUPP. De fait, il conçoit
que "dans de très grandes églises, deux ou trois jeux à haute-pression artistiquement
conçus [puissent] produire un effet grandiose et participer ainsi à la perfection
de l'instrument."
Le quatrième thème traite de l'aspect pécuniaire en tant qu'il conditionne
celui de la composition des orgues. Dans une conjoncture de concurrence sauvage,
de prix écrasés, où le choix entre deux facteurs se fait selon le nombre de
registres ou d'accessoires, SCHWEITZER assène une vérité qui est le véritable
fondement de la Réforme : "un facteur d'orgue ne peut être un artisan que s'il
est considéré comme artiste par un autre artiste. Si cette considération lui
fait défaut, il deviendra, par la force des choses, un vendeur.
Enfin, la cinquième partie de l'opuscule est consacrée à l'École d'orgue
française.
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