L'ELSÄSSISCHER ORGELREFORM
par Emmanuel FABRE
(organiste titulaire de l'orgue de l'église Saint-Pierre-le-Jeune-catholique
de Strasbourg)
Les idées de RUPP
Le mot d'ordre de RUPP est un retour à l'orgue ad fontes,
c'est-à-dire aux particularités sonores et à la technique de jeu spécifiques
à l'instrument. Il ne réfute pas l'orgue orchestral, trop enraciné qu'il est
- lui aussi - dans une esthétique romantico-wagnérienne, mais son tutti doit
reposer sur la synthèse sonore, par opposition au mélange des couleurs sonores
de l'orgue du romantisme tardif.
Il revendique tout d'abord le Werkprinzip, avec un Grand-Orgue suave et pas
trop surchargé, un Positif coloré par sa richesse en mutations, et un Récit
puissant, chargé et riche en anches. Ces plans sonores doivent être construits
en étages, dans un buffet qui n'est ouvert qu'en façade. Importance de l'harmonisation
avec des fonds ni bruyants, ni trop gras, ni trop riches en harmoniques. Les
jeux d'anches doivent avoir des languettes longues. Ils sont tous plus ou moins
basés sur la technique des trompettes ou des hautbois. Les mutations simples
ont un caractère flûté. Rupp demande la suite complète des harmoniques de 16'
à la Pédale, celle de 8' au Grand-Orgue, de 4' au Positif. Les mixtures éclairent
le tutti mais ne le renforcent pas. RUPP refuse les mixtures haut-perchées et
avec beaucoup de reprises de l'orgue d'Allemagne du Nord. Sur le plan technique,
RUPP attache une importance bien plus grande au problème des sommiers qu'à celui
de la transmission. Seul le sommier à gravures trouve grâce à ses yeux. Comme
SCHWEITZER, il pense que la transmission a plus d'influence sur l'organiste
que sur l'auditeur. Il revendique la traction mécanique pour les petits instruments
et l'électricité pour ceux de plus de 30 jeux. Mais le problème technique qui
requiert le plus d'énergie de la part de RUPP est celui de la console. SCHWEITZER
loue les consoles françaises pour leur uniformité et revendique d'autre part
l'adoption des accessoires les plus utiles des deux factures. RUPP a les mêmes
exigences et cherche dès lors à concevoir une console apte à recevoir rationnellement
ces aides au jeu, en intégrant des considérations physiologiques et psychologiques.
Souvent raillé comme visionnaire fou, RUPP avait fait la proposition d'une console
à double commande, mécanique et électrique. Il fallut attendre plus de 50 ans
(orgue d'Ottobeuren, 1957) pour qu'elle soit concrétisée. De nos jours, on assiste
à des essais de plus en plus prometteurs d'orgues mécaniques électroniquement
assistés (Saint-Eustache, par exemple). Notre orgue est préparé pour recevoir
un jour une assistance électronnique, mais Yves Koenig y reviendra tout à l'heure.
Gageons que RUPP en eût été comblé.
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