L'ELSÄSSISCHER ORGELREFORM
par Emmanuel FABRE
(organiste titulaire de l'orgue de l'église Saint-Pierre-le-Jeune-catholique
de Strasbourg)
Finalement, c'est bien sûr Rœthinger qui, plus que tout autre,
assura à sa manière la promotion de l'Orgelreform. A travers ses instruments,
mais aussi par ce qu'il lègue à ses héritiers spirituels. Tous les grands facteurs
alsaciens du 20e siècle sont passés par les ateliers Rœthinger et c'est d'une
véritable " école " qu'on peut parler. Bien sûr, on aurait du parler de Georges
Schwenkedel et de son fils Curt. Mais les manufactures d'avenir, celles qui
vivent encore aujourd'hui s'appellent Muhleisen, Kern, et évidemment Koenig.
Ernest Muhleisen qui hésite entre Orgelreform et Néo-baroque dans sa tétralogie
St Pierre-le-Jeune protestant, Ste Aurélie, St Guillaume, St Thomas, avec plus
ou moins de réussite. Mais le retour définitif à la traction mécanique et au
positif de dos sont pérénisés. Alfred Kern, beau-frère de Muhleisen, qui collabore
avec Schweitzer sur la construction de l'orgue de l'église protestante de Neudorf.
Le résultat est tout à fait impressionnant d'équilibre et de richesse des timbres
Anches "à la française" (Trompettes, Cromorne), deux Jeux de Tierce (un Cornet
décomposé au Positif et le Grand Cornet), deux Cymbales, pour le côté "Classique"
un Récit Expressif, avec Voix Céleste, et un Violoncelle de Pédale, de nombreux
Accouplement des claviers, pour le côté "19 ème".
Ces jeux originaux et cette architecture amènent une modernité évidente et constituent
une superbe synthèse de nombreux styles. Cet orgue a une place toute particulière
dans la facture alsacienne, et celle de Kern en particulier, car il dessine
ce que sera l'idéal de Kern à partir de là : la recherche de cette synthèse
entre la disposition "nordique" et des jeux coniques, flûtés et solistes "à
la française". Sans rien retirer aux instruments "historiques" (qui ont souvent
été modifiés), cet instrument intègre et authentique est clairement l'aboutissement
de décennies de réflexion et d'études, menées par Schweitzer, Kern, et les autres
participants de cette réalisation, l'un des orgues les plus réussis de Strasbourg.
A voir et écouter absolument. Et Kern prendra résolument le virage de l'orgue
des maîtres anciens, avec Saint Séverin de Paris, et ses chefs-d'œuvres strasbourgeois,
Saint Thomas et la Cathédrale. Jean-Georges Kœnig, enfin, qui s'établit à Sarre-Union
où il reconstruit l'orgue de l'église Saint Georges selon le traité de Dom Bedos,
point de départ de la réputation internationale de la petite entreprise familiale.
Yves Koenig, né en 1950, baigne dès son jeune âge dans cette ambiance de redécouverte
de l'orgue ancien. Il restaure des instruments prestigieux tels ceux de Lorris
ou Mende. Après s'être inspiré de la facture d'Europe du Nord, de Saxe ou d'Allemagne
du Sud, il revient à une vision plus personnelle, plus sage, d'un instrument
privilégiant la poésie. La boucle est bouclée à Saint Pierre-le-Jeune...
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